Un chercheur sénégalais et son équipe du département de physique de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) ont mis au point un procédé permettant de produire de l’énergie à partir de la coque d’arachide.
L’initiative fait partie d’une trentaine de projets africains retenus en avril dernier par la Royal Society de Londres, la plus ancienne académie scientifique indépendante au monde, vouée à la promotion de l’excellence scientifique, en vue d’un financement dans le cadre du programme Future Leaders – African Independent Research (FLAIR).
Au Sénégal, l’arachide compte parmi les quatre premiers produits d’exportation et sa production occupe environ 63% des populations rurales, selon les chiffres du ministère de l’Agriculture. En 2018, la filière a enregistré une production estimée à 1,43 million de tonnes.
L’idée, selon Balla Diop Ngom, enseignant-chercheur à l’UCAD et directeur du Laboratoire de photonique quantique, énergie et nano-fabrication du groupe de physique du solide et sciences des matériaux (Gpssm), c’est de rendre rentable cette filière depuis la graine jusqu’à la coque, généralement jetée par les producteurs et les consommateurs.
Grâce au procédé mis au point, Balla Diop Ngom et son équipe ont pu synthétiser, à partir de la coque d’arachide, l’oxyde de zinc et ses dérivés. Le mélange de ces matériaux permet d’obtenir un composite capable de stocker le rayonnement solaire et de le redistribuer sous forme d’énergie.
À en croire le chercheur, la majeure partie des investissements en énergie solaire est généralement consacrée aux batteries solaires qui font fonctionner les panneaux.
« A partir des électrodes conçus à base de notre composite, nous pouvons fabriquer des batteries de photons ou simplement utiliser ce matériau comme couche-tampon des cellules photovoltaïques pour stocker l’énergie », explique Balla Diop Ngom à Scienceactu.com
Zones rurales
La finalité, précise-t-il, c’est de développer une technologie moins coûteuse, capable de produire une énergie propre et non-polluante, qui respecte l’environnement.
A l’étape actuelle, le chercheur indique que son procédé permet une transformation totale (sans résidus) de la coque d’arachide.
Avec un gramme (1g) de coque d’arachide, estime-t-il, on peut obtenir un gramme (1g) du composite et produire une quantité d’énergie équivalente à 242 Farad (soit 0,242 Kilowatt heure).
« Si cette technologie est maîtrisée et que nous arrivons à faire un transfert industriel, cela permettra de créer une valeur ajoutée pour les producteurs d’arachides et résoudre le déficit énergétique, surtout en milieu rural », précise Balla Diop Ngom.
Selon les données publiées par l’Agence sénégalaise de l’électrification rurale (ASER), en 2018, seulement 42,3% des populations sénégalaises vivant dans les zones rurales ont accès à l’électricité.
Pour sa part, Allé Dioum, responsable de l’équipe de recherche Matériaux, Systèmes composites et Applications à l’UCAD, estime que ce déficit énergétique peut être comblé par l’adoption de sources d’énergie innovantes combinant la biomasse, le solaire photovoltaïque et le solaire thermique.
Volonté politique
Lorsqu’on parle des énergies renouvelables, explique Allé Dioum, il est beaucoup plus efficace d’évaluer les besoins énergétiques de chaque zone et d’adapter les sources d’énergie aux réalités du milieu, en vue de susciter l’implication des populations locales.
« Quand il faut investir dans le domaine du solaire en milieu urbain et rural, la technologie à déployer ne devrait pas être la même. En milieu rural par exemple, il est plus efficace d’intégrer la biomasse et de créer de la valeur au niveau des populations agricoles », souligne Allé Dioum.
Pour le chercheur, le déficit énergétique auquel font face les pays africains résulte d’un manque de volonté politique, lié à une mauvaise orientation des investissements dans ce domaine. Car, précise-t-il, il existe plusieurs solutions moins onéreuses et moins polluantes basées sur la mise en place de systèmes qui, au-delà de produire de l’énergie, a des effets induits sur l’économie des milieux dans lesquels ils sont implantés.
« En réalité, si les investissements sont bien orientés et adaptés aux besoins de chaque milieu, il est possible d’améliorer les rendements agricoles, créer des emplois, faciliter un accès à l’eau et avoir d’autres services à partir de l’installation d’un simple système photovoltaïque plus efficace », estime l’expert.
Aussi incite-t-il les pouvoirs publics et le secteur privé à s’approprier régulièrement des technologies mises au point par les acteurs, en ce qui concerne les énergies renouvelables.
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