Par Jean Philbert Nsengimana, responsable en chef de la santé numérique, CDC Afrique
Ce 11 juillet 2023 marque le vingtième anniversaire de l’adoption du protocole de Maputo relatif aux droits des femmes en Afrique. Cet instrument juridique établissait la protection des droits des femmes comme une condition primordiale au développement durable ; assurant ainsi aux femmes africaines des droits fondamentaux notamment le droit à l’éducation, à la santé et à une vie économique. Vingt ans plus tard, constat d’échec. L’accès à l’éducation, aux services de santé, aux financements ou même au numérique demeure un défi pour les femmes et les jeunes filles en Afrique. Elles sont, par exemple, près de 80% sur le continent à ne pas avoir accès au numérique contre 17% au niveau mondial.
A lire aussi: La crise climatique, une menace sanitaire pour l’Afrique
Combler le fossé
Or, le numérique offre de formidables opportunités économiques, mais aussi en matière d’accès à l’éducation et à la santé. Rien que dans le secteur de la santé, les technologies numériques constituent un moyen efficace d’accélération de la couverture santé universelle en Afrique. Elles peuvent faciliter l’accès aux services de santé pour toutes et tous, tout en étant un formidable levier d’émergence économique. D’autant plus que le marché mondial de la santé digitale, en constante croissance, est estimé à près de 660 milliards de dollars d’ici 2025. La HealthTech devient un secteur économique en plein essor et une industrie qui générera les emplois du futur. Il est donc nécessaire de combler le fossé numérique existant afin qu’aucune femme ou jeune fille ne soit laissé pour compte.
En Afrique subsaharienne où les femmes représentent une grande partie de la charge de morbidité et de mortalité, améliorer l’accès à la santé revient à permettre aux femmes d’accéder aux services de santé et aux opportunités qu’offre le numérique. Investir dans les compétences numériques des femmes et promouvoir l’entreprenariat féminin dans la santé sont désormais indispensables la croissance et le développement des pays africains.
A lire aussi: La riposte aux maladies tropicales négligées à la croisée des chemins
Les femmes africaines ont eu longue tradition de résilience et de créativité pour faire face aux défis au quotidien. Que ce soit à travers le développement de solutions numériques de diagnostics à faible coût, la création de plateformes numériques de sensibilisation communautaire ou la télémédecine, elles peuvent être des actrices clés de la transformation du système de santé sur le continent.
Investir dans l’innovation féminine
Pour ce faire, les États africains doivent faciliter l’apprentissage du numérique pour toutes les filles afin de leur garantir un accès équitable à l’éducation et au développement des compétences technologiques. Ils doivent garantir aux femmes un environnement social et juridique sûr et faciliter leur accès à la finance numérique et aux fonds dans le secteur numérique.
La société civile a déjà enclenché le mouvement sur le continent à travers des initiatives comme le Women Innovators Incubator et le Prix des Jeunes Innovateurs Africains pour la santé lancées par Speak Up Africa en partenariat avec la Fédération internationale des fabricants et associations pharmaceutiques (IFPMA). La deuxième édition du Prix lancée en mai dernier met l’accent sur l’innovation féminine ainsi que toutes les solutions prometteuses pour atteindre la couverture sanitaire universelle en Afrique.
A lire aussi: L’IA, une solution à l’urbanisation galopante en Afrique
En octroyant des subventions et en renforçant le leadership des femmes entrepreneures dans l’innovation pour la santé en Afrique, cette initiative participe à réduire les déséquilibres entre les hommes et les femmes dans l’accès aux financements dans le secteur numérique. Autre exemple d’initiative portée par la société civile, le mouvement « Femmes Africaines dans la santé digitale » lancé en décembre 2022 à Kigali et qui est désormais l’un des porte-flambeaux de la stratégie de transformation numérique du Centre africain pour la surveillance et la prévention des maladies (CDC Afrique).
Aussi, le secteur privé doit soutenir cet élan en investissant davantage dans les start-ups numériques portées par des femmes afin de garantir la prise en compte des besoins spécifiques des femmes et des jeunes filles dans la santé.
Laisser un commentaire